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Il n’y a pas de justice sans équité

1 Fév 2023 | Les Gazouillades de Pascal SERRE

Il n’y a pas de justice sans équité

 

Avec la multiplication des grèves et manifestations, nous subissons de plein fouet le solde de tout compte d’une période que les moins de trente ans n’ont pas connu, les années 80, celles des golden boys et d’un certain Bernard Tapie en mode franchouillard. Mais, pas seulement.

Sans refaire l’histoire, les trentes glorieuses étranglées par les crises pétrolières, les espérances aussi naïves que folles portées par François Mitterrand en 1981 se sont laissées museler par la Babylone des porteurs de Rolex et des propriétaires de yacht avec, en prime, le rêve européen des libertés qui n’ont été que celle d’une monnaie commune. Sans oublier, sous l’impulsion des privatisations, l’engouement des boursicoteurs pour l’argent facile. Et, enfin, le hold-up des gourous de la communication sur la démocratie.

La bienveillante social-démocratie a enfanté des démons. Il est vrai qu’un certain François Hollande a érigé comme « ennemi » le monde de la finance. Un peu tard non ? Aujourd’hui, quatre décennies ou presque passées, sans faire de mea culpa, nos gouvernants tentent de colmater les brèches. Ce n’est pas trop tard, mais on a pris du retard.

Il faut aujourd’hui non plus parler de justice mais d’équité. La justice est à géométrie variable, l’équité répond au souci de satisfaire aux bienfaits de la générosité et de la solidarité.

La justice relève des hommes et notamment de ceux qui détiennent le pouvoir ; l’équité oblige à, selon Voltaire : « réserver un avenir pour les cœurs innocents ». La Bruyère, de son côté, a laissé ceci : « Si les hommes sont hommes, plutôt qu’ours ou panthères, s’ils se font justice à eux-mêmes, que deviennent les lois ? ».

Ainsi, l’équité est le principe modérateur du droit objectif exprimé dans les lois, règlements administratifs selon lequel chacun peut prétendre à un traitement juste, égalitaire et raisonnable. C’est la meilleure façon de réguler le principe Darwinien qui veut que le plus faible subisse la loi naturelle du plus fort.

C’est une « juste mesure », un équilibre, qui permet de rendre acceptable une forme d’inégalité lorsque l’égalité ne serait pas acceptable.

Je conviens que mon propos se heurterait structurellement et naturellement à bien des intérêts catégoriels, vraisemblablement toujours les mêmes. On peut toujours rêver …

La crise que nous traversons est avant tout existentielle, protéiforme, hybride et globalisée. Elle demande une approche philosophique bien éloignée des dérives de notre société et qui rendent de plus en plus intenables les différents intérêts contradictoires.

La réforme des retraites ne saurait se réduire à des calculs aussi savants soient-ils ; c’est l’occasion de répondre à la question de l’équité, seule source d’apaisement d’une société en éruption.

Pascal Serre