L’insoutenable légèreté de la maladresse
Il y a déjà une semaine je m’étais rendu à l’hommage républicain à Samuel Paty. Pour la circonstance, j’avais revêtu l’écharpe de maire de Chancelade. J’étais le seul parmi une centaine de briscards des luttes les plus diverses mais assurément généreuses.
Au pied de l’Arbre de la Liberté, à Périgueux, s’ouvrit un ballet de prises de paroles qui, rapidement, se transforma en tribune de toutes les récupérations idéologiques aux doctrines aux liens douteux avec la cause de cette assemblée.
Le mégaphone hardiment porté comme au bon vieux temps des contestations étudiantes ou syndicales, les gauches version puzzle se succédaient signifiant autant d’élans balayant toutes les revendications du moment.
Nous fîmes un tour du monde des contestations, du Texas à la Chine, du Pass sanitaire au nucléaire, et j’en passe.
Quelques fidèles s’en émurent, certains se retirèrent ; je demeurais de marbre quoique secoué par cette récupération pour le moins puérile mais contraire à toute bienséance à l’endroit du sujet initial, à savoir Samuel Paty.
Face à cette généreuse maladresse, je me retrouvais avec l’hommage qui fut celui des Chanceladaises et Chanceladais, il y a un an.
Je parle de ce qui m’aide à vivre, de ce qui est bien.
Ainsi s’exprimait Paul Elluard.
Combien, en ce jour, l’exercice est difficile.
Combien en ce jour, tout propos devient maladroit.
Combien en ce jour, la page reste blanche… et l’air cendré.
Nous sommes seuls et muets, glacés et carbonisés à la fois.
Nous ne sommes que des humains soumis à notre tragique condition.
Que nous reste-t-il face à l’insondable ?
Que nous reste-t-t-il face à l’indéfinissable ?
Que nous reste-t-il face à l’énigme des ténèbres ?
Samuel Paty, un enseignant, un homme avant tout, a été atrocement assassiné par un autre homme.
Vous me permettrez de ne pas revenir sur cet acte inqualifiable et qui me donne la nausée.
Dans son roman, La Condition humaine, André Malraux définit ses personnages comme des « types de héros en qui s’unissent la culture, la lucidité et l’aptitude à l’action ».
Pourtant, dans ce drame existentiel, l’espoir persiste.
Si l’homme ne saurait dépasser son destin, échapper à sa condition, il peut, en revanche, faire de sa mort une apothéose de la fraternité. Celle-ci repousse le néant de la vie humaine en s’appuyant, comble du paradoxe, sur le néant de la mort.
C’est, tragiquement et symboliquement, une des leçons de cette épreuve intime qui, à travers Samuel Paty, doit nous guider sur le chemin de l’espoir en la nature humaine.
Ce chemin c’est celui des valeurs humanistes, de la tolérance, de la bienveillance.
Ce chemin c’est celui des valeurs universelles de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.
Comme l’a joliment écrit le poète :
« A nous de faire en sorte que la nuit se fasse clarté ».